Lorsqu'elle est née, à Chongqing, l'année de la grande famine, le tigre du zoo a mangé son gardien. Hong Ying est originaire du quartier des ouvriers du fleuve Yangzi, bateliers comme son père ou coolies comme sa mère. Dans ces cahiers de départ d'un pays natal, elle dresse le tableau poignant et terrifiant d'un monde misérable et sans amour, une fois dissipée l'hypnose maoïste. En 1980, à l'âge de dix-huit ans, Hong Ying cherche à comprendre pourquoi elle s'est sentie étrangère dans sa propre famille. En même temps, elle noue une idylle passionnée avec son professeur d'histoire.
A travers ses souvenirs d'enfance, les récits de ses proches, et l'identification de l'homme qui la suivait à la sortie de l'école, elle découvre le secret de sa naissance. Menacé par le Parti, son amant l'initie aux plaisirs des sens avant de se donner la mort. Enceinte de lui, elle avorte sans anesthésie. Sa rage de vivre, elle l'a héritée de sa mère, dont elle trace un portrait saisissant. Des tourbillons de l'extase aux petits matins blêmes, comme dans L'Eté des trahisons (1995), que ce récit fondateur préfigure, Hong Ying décrit un chemin spirituel dramatiquement incarné. Dans sa quête éperdue des origines, elle naît à la littérature lorsqu'elle se sent appelée à témoigner au nom des idéaux trahis de sa génération, celle de Tian'anmen.
Traduit du chinois par Nathalie Louisgrand
Editions : Seuil